Discussion

Décrite pour la première fois dans les années 1800, l’embolie pulmonaire peut être classée comme aiguë ou chronique, comme submassive (obstruction de 25% à 50%) ou massive (obstruction de >50%), et comme centrale ou périphérique.6 L’embolie pulmonaire aiguë entraîne une augmentation abrupte de la résistance vasculaire pulmonaire. La fonction contractile du ventricule droit est compromise et une insuffisance ventriculaire droite s’ensuit. Ce cercle vicieux du choc cardiogénique est renforcé par l’hypoxie concomitante, qui conduit inévitablement au collapsus cardiovasculaire.7 L’intervalle entre l’apparition des symptômes et le décès est relativement court. Chez les patients atteints d’embolie pulmonaire massive, 50 % meurent dans les 30 minutes, 70 % dans l’heure qui suit et plus de 85 % dans les 6 heures qui suivent l’apparition des symptômes.8 Par conséquent, la fenêtre pour obtenir un diagnostic définitif est étroite. Dans un contexte optimal, le diagnostic d’embolie pulmonaire peut être posé sur la base de l’anamnèse et de l’examen physique, ainsi que de tests sélectifs, tels que l’électrocardiographie (ECG) pour écarter la possibilité d’un infarctus du myocarde, la radiographie thoracique pour écarter la possibilité d’un pneumothorax, et une analyse des gaz du sang artériel pour renforcer le diagnostic2. Des signes électrocardiographiques d’embolie pulmonaire sont observés dans environ 75 % des cas ; cependant, les modifications de l’ECG, ainsi que les résultats radiographiques compatibles avec l’embolie pulmonaire, ne sont souvent pas présents.9 L’angiographie pulmonaire et l’angiographie pulmonaire par tomodensitométrie spiralée, qui sont les normes d’excellence du diagnostic de l’embolie pulmonaire, sont exclues par l’instabilité hémodynamique de nombreux patients. Il n’est pas justifié de retarder le traitement afin de compléter une procédure diagnostique longue et invasive. L’échocardiographie transoesophagienne est une méthode bénéfique et de plus en plus acceptée pour démontrer, de manière non invasive, la dilatation du ventricule droit et la présence d’emboles dans les artères pulmonaires.6 Lorsque le diagnostic d’embolie pulmonaire massive est posé, un traitement médical ou chirurgical doit être mis en place immédiatement. Si le patient est in extremis, la décision de pratiquer une embolectomie peut être prise principalement en fonction de l’impression clinique. Ullmann et ses collègues6 ont examiné une série de 40 patients qui ont subi une embolectomie pulmonaire urgente. Ces auteurs ont démontré que dans 20 cas, l’instabilité hémodynamique des patients empêchait l’établissement d’une embolie pulmonaire par une étude diagnostique. Dans ces 20 cas, le diagnostic d’embolie pulmonaire a été posé sur la base des seules constatations cliniques (75 % sur les modifications de l’ECG). Les résultats opératoires ont confirmé l’impression clinique chez 95 % de ces patients. En outre, cette étude a démontré que l’échocardiographie est également un outil utile pour confirmer le diagnostic d’embolie pulmonaire massive. Dans 18 cas sur 40, l’échocardiographie a permis de mettre en évidence une embolie pulmonaire massive ou fulminante.6

Les options thérapeutiques de l’embolie pulmonaire massive varient en fonction du tableau clinique du patient. Bien que l’anticoagulation et la thrombolyse soient la norme pour le traitement de l’embolie pulmonaire massive aiguë, ces traitements sont limités aux patients qui sont stables sur le plan hémodynamique et qui ne présentent pas de contre-indications. En outre, les données suggèrent que les patients traités par thrombolyse ont un taux de mortalité plus élevé, un risque accru d’hémorragie majeure et un taux plus élevé de récidive de l’embolie pulmonaire, par rapport aux patients traités par embolectomie pulmonaire10. L’International Cooperative Pulmonary Embolism Registry a constaté un taux d’hémorragie intracrânienne étonnamment élevé de 3 % chez les patients souffrant d’embolie pulmonaire et traités par thrombolyse.11 Quoi qu’il en soit, le risque de complication hémorragique fatale de la thrombolyse limite l’utilisation de ces agents en postopératoire immédiat, comme c’était le cas pour notre patient. Bien que la fragmentation par cathéter interventionnel et l’embolectomie par aspiration soient également disponibles pour l’embolectomie pulmonaire dans certaines institutions, l’embolectomie chirurgicale ouverte est indiquée chez les patients qui présentent des contre-indications à la thérapie thrombolytique, la persistance de thrombus dans le cœur droit ou les artères pulmonaires après une embolie pulmonaire, ou un compromis hémodynamique grave avec collapsus cardiovasculaire. Un traitement chirurgical précoce doit également être envisagé chez les patients dont l’évolution se détériore malgré un traitement médical agressif.12 Selon les séries, le taux de mortalité global après embolectomie pulmonaire varie de 16% à 46%, avec un taux de mortalité moyen de 26%.6 Le groupe d’Ullmann a rapporté une mortalité opératoire de 35% dans sa série.6 Le taux de mortalité élevé est en grande partie dû au fait que la plupart des patients qui subissent une embolectomie chirurgicale sont hémodynamiquement compromis et arrivent à la salle d’opération en arrêt cardiaque avec une réanimation cardio-pulmonaire (RCP) en cours, ou bien ils ont subi une RCP au préalable. Les données suggèrent que l’état hémodynamique préopératoire est l’indicateur pronostique le plus important du résultat postopératoire après embolectomie pulmonaire chirurgicale, et que l’arrêt cardiaque et la RCP sont des facteurs indépendants prédictifs du décès postopératoire.6,12 Ces résultats suggèrent qu’une intervention chirurgicale plus précoce peut entraîner une amélioration de la survie. Le présent rapport décrit un cas dans lequel un compromis hémodynamique sévère a nécessité une embolectomie chirurgicale.

Nous pensons que l’embolectomie chirurgicale est justifiée chez les patients présentant une instabilité hémodynamique sévère sur la base de l’impression clinique, après avoir écarté les autres causes de collapsus hémodynamique. Pendant la période préopératoire ou peropératoire, l’ETO est extrêmement fiable pour le diagnostic en évaluant la fonction ventriculaire droite et en localisant les thrombi dans l’arbre artériel pulmonaire. De plus, l’implantation d’un RVAD, qui a été envisagée pour notre patient, est une option viable pour soutenir les patients qui présentent une dysfonction ventriculaire droite continue après une embolectomie pulmonaire. L’implantation d’un dispositif d’assistance ventriculaire droite a donné de bons résultats chez des patients qui ne pouvaient pas être sevrés du CPB, malgré un soutien inotrope maximal.13 Avec l’émergence de l’ETO comme outil fiable pour le diagnostic rapide de l’embolie pulmonaire massive, l’embolectomie chirurgicale s’avère être l’étalon-or pour le traitement des patients in extremis.

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