Cette longue histoire d’utilisation politique et militaire indique que les autorités politiques ou les généraux accepteraient légalement de remettre un ou généralement plusieurs otages sous la garde de l’autre partie, comme garantie de bonne foi dans le respect des obligations. Ces obligations pouvaient prendre la forme de la signature d’un traité de paix, entre les mains du vainqueur, ou même d’un échange d’otages à titre de garantie mutuelle dans des cas tels qu’un armistice. Les grandes puissances, comme la Rome antique et les Britanniques qui avaient des vassaux coloniaux, recevaient surtout de nombreux otages politiques, souvent des enfants de l’élite, voire des princes ou des princesses, qui étaient généralement traités en fonction de leur rang et utilisés subtilement à long terme pour recevoir une éducation élitiste, voire une conversion religieuse. Cela finissait par les influencer culturellement et ouvrait la voie à une ligne politique amicale s’ils accédaient au pouvoir après leur libération.

« Gislas » était un mot vieil anglais pour « otages », prouvant que la pratique était courante en Angleterre bien avant que le mot « otage » ne soit inventé.

C’est ce qui a provoqué l’élément gīsl = « otage » dans de nombreux vieux noms de personnes germaniques, et donc dans les noms de lieux dérivés de noms de personnes, par exemple Isleworth dans l’ouest de Londres (UK) du vieil anglais Gīslheres wyrð (= « enceinte appartenant à Gīslhere »).

« Otages », tableau de 1896 de Jean-Paul Laurens, Musée des Beaux-Arts, Lyon

La pratique de la prise d’otages est très ancienne, et a été constamment utilisée dans les négociations avec les nations conquises, et dans des cas tels que les redditions, les armistices et autres, où les deux belligérants dépendaient pour sa bonne exécution de la bonne foi de l’autre. Les Romains avaient l’habitude de prendre les fils des princes tributaires et de les éduquer à Rome, s’assurant ainsi de la loyauté continue de la nation conquise et inculquant à un éventuel futur dirigeant des idées de la civilisation romaine. Cette pratique était également courante dans le système tributaire de la Chine impériale, notamment entre les dynasties Han et Tang.

La pratique s’est poursuivie jusqu’au début du Moyen Âge. Le haut roi irlandais Niall des neuf otages a reçu son épithète Noígiallach parce qu’en prenant neuf petits rois en otage, il avait soumis neuf autres principautés à son pouvoir.

Cette pratique a également été adoptée au début de l’occupation britannique de l’Inde, et par la France dans ses relations avec les tribus arabes en Afrique du Nord. La position d’un otage était celle d’un prisonnier de guerre, à conserver jusqu’à ce que les négociations ou les obligations du traité soient exécutées, et susceptible d’être puni (dans les temps anciens), et même de mourir, en cas de trahison ou de refus de remplir les promesses faites.

La pratique de la prise d’otages comme garantie de l’exécution d’un traité entre États civilisés est maintenant obsolète. La dernière occasion fut le traité d’Aix-la-Chapelle (1748), mettant fin à la guerre de succession d’Autriche, lorsque deux pairs britanniques, Henry Bowes Howard, 11e comte de Suffolk, et Charles, 9e baron Cathcart, furent envoyés en France comme otages pour la restitution du Cap-Breton à la France.

En France, après la révolution de Prairial (18 juin 1799), la loi dite des otages fut votée, pour faire face à l’insurrection royaliste en Vendée. Les parents d’émigrés étaient emmenés dans les districts perturbés et emprisonnés, et étaient passibles d’exécution à toute tentative d’évasion. Le meurtre d’un républicain était suivi de la mise sous séquestre de leurs biens et de leur expulsion de France, quatre pour chaque meurtre de ce type, et de lourdes amendes pour l’ensemble des otages. Cette loi n’eut pour effet que d’accroître l’insurrection. Napoléon en 1796 avait utilisé des mesures similaires pour faire face à l’insurrection en Lombardie.

Dans les époques ultérieures, on peut dire que la pratique des otages de guerre officiels se limite soit à garantir le paiement des contributions forcées ou des réquisitions dans un territoire occupé et l’obéissance aux règlements que l’armée d’occupation peut juger bon d’édicter ; soit, par mesure de précaution, à empêcher des actes de guerre ou de violence illégitimes par des personnes ne faisant pas partie des forces militaires reconnues de l’ennemi.

Annonce allemande de l’exécution de 100 otages polonais pour venger la mort de 2 Allemands à Varsovie, Pologne occupée, février 1944

Durant la guerre franco-prussienne de 1870, les Allemands prenaient en otage les personnalités ou les fonctionnaires des villes ou des districts lorsqu’ils faisaient des réquisitions et aussi lors de la recherche de nourriture, et c’était une pratique générale que le maire et l’adjoint d’une ville qui ne payait pas une amende qui lui était imposée soient saisis comme otages et retenus jusqu’à ce que l’argent soit payé. Un autre cas de prise d’otages dans les guerres modernes a fait l’objet de nombreuses discussions. En 1870, les Allemands ont jugé nécessaire de prendre des mesures spéciales pour mettre un terme aux sabotages de trains par des « Francs-tireurs » – c’est-à-dire des « parties en territoire occupé n’appartenant pas aux forces armées reconnues de l’ennemi », ce qui était considéré comme un acte de guerre illégitime. Des citoyens éminents sont placés sur la locomotive du train afin que l’on comprenne que dans tout accident causé par l’hostilité des habitants, leurs compatriotes seront les premiers à souffrir. Cette mesure semble avoir été efficace. En 1900, pendant la deuxième guerre des Boers, par une proclamation publiée à Pretoria (19 juin), Lord Roberts adopta le plan pour une raison similaire, mais peu après (29 juillet), il fut abandonné.

Les Allemands prenaient aussi, entre la reddition d’une ville et son occupation définitive, des otages comme garantie contre les flambées de violence des habitants.

La plupart des auteurs de droit international ont considéré cette méthode de prévention de ces actes d’hostilité comme injustifiable, au motif que les personnes prises en otage ne sont pas les responsables de l’acte ; que, l’usage de la guerre voulant que les otages soient traités strictement comme des prisonniers de guerre, une telle exposition au danger transgresse les droits d’un belligérant ; et comme inutile, car le simple déplacement temporaire de citoyens importants jusqu’à la fin d’une guerre ne peut être dissuasif que si leur simple déplacement prive les combattants de personnes nécessaires à la poursuite des actes visés. D’autre part, on a fait valoir que les actes que l’on veut prévenir ne sont pas des actes légitimes des forces armées de l’ennemi, mais des actes illégitimes de particuliers qui, s’ils étaient pris, pourraient être légalement punis, et qu’une mesure de précaution et de prévention est plus raisonnable que des représailles. On peut cependant remarquer que les otages souffriraient si les actes visés étaient accomplis par les forces belligérantes autorisées de l’ennemi.

Un wagon blindé britannique derrière un wagon sur lequel sont assis deux otages arabes, Palestine mandataire, 1936

Un soldat belge pose devant des otages morts, novembre 1964 à Stanleyville, Congo. Les parachutistes belges ont libéré plus de 1 800 otages européens détenus par les rebelles congolais pendant la crise du Congo.

L’article 50 de la Convention de La Haye de 1907 sur la guerre terrestre prévoit que : « Aucune sanction générale, pécuniaire ou autre, ne peut être infligée à la population en raison des actes des individus dont elle ne peut être considérée comme collectivement responsable. » Le règlement ne fait cependant pas allusion à la pratique des prises d’otages.

En mai 1871, à l’issue de la Commune de Paris, eut lieu le massacre des soi-disant otages. Ce n’étaient pas à proprement parler des otages, car ils n’avaient pas été remis ou saisis en garantie de l’exécution d’un engagement quelconque ou à titre préventif, mais simplement en représailles de la mort de leurs chefs E. V. Duval et Gustave Flourens. C’est un acte de désespoir maniaque, après la défaite du Mont Valrien le 4 avril et l’entrée de l’armée dans Paris le 21 mai. Parmi les nombreuses victimes fusillées par lots, les plus remarquées sont Georges Darboy, archevêque de Paris, l’abbé Deguery, curé de la Madeleine, et le président de la Cour de cassation, Louis Bernard Bonjean.

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