Entre 1512 et 1516, les artistes Niclaus de Haguenau (pour la partie sculptée) et Grünewald (pour les panneaux peints) réalisent ce célèbre retable pour le complexe monastique de l’ordre des Antonites à Isenheim, un village situé à une quinzaine de kilomètres au sud de Colmar. Ce polyptyque, qui a décoré le maître-autel de la chapelle de l’hôpital du monastère jusqu’à la Révolution française, a été commandé par Guy Guers, qui a été le précepteur de l’institution de 1490 à 1516.
Établi vers 1300, le monastère d’Isenheim appartenait à l’ordre de Saint-Antoine, qui avait été fondé dans la région du Dauphiné en France au 11ème siècle. Les moines de l’ordre des Antonins s’occupaient des victimes du feu de Saint-Antoine, une horrible maladie fréquente au Moyen Âge. On sait aujourd’hui que cette calamité était due à l’empoisonnement par un champignon (l’ergot) qui se développe sur le ray-grass, contaminant ainsi la farine de seigle utilisée pour la fabrication du pain. L’ergot contient un produit chimique qui rend ses victimes folles et entraîne la gangrène des mains et des pieds en raison de la constriction de la circulation sanguine dans les extrémités. Pour soigner les malades, les Antonins leur servaient du pain de bonne qualité et leur faisaient boire une concoction appelée saint vinage, un vin sacré fortifié, dans lequel les moines avaient d’abord fait macérer un mélange spécial d’herbes, puis trempé les reliques de saint Antoine. Ils produisaient également une pommade à base d’herbes possédant des propriétés anti-inflammatoires.
Les moines d’Isenheim ont acquis peu à peu une riche collection d’œuvres d’art commandées et financées par le monastère, dont ce retable. Conservé dans cette institution religieuse jusqu’à la Révolution, il est transféré en 1792 à l’antenne locale de la Bibliothèque nationale de France pour y être mis en sécurité. En 1852, il fut transféré dans la chapelle de l’ancien couvent dominicain dit des Unterlinden à Colmar, devenant le principal trésor du musée créé à cette époque et ne cessant depuis de captiver et d’enthousiasmer les visiteurs.