LEOPOLD IER (SAINT EMPIRE ROMAIN) (1640-1705 ; roi de Hongrie et de Bohème à partir de 1655 ; empereur romain germanique à partir de 1658). Deuxième fils survivant de l’empereur Ferdinand III (qui régna de 1637 à 1657), l’archiduc Léopold était destiné par la tradition dynastique à entrer dans l’Église, où il pouvait utiliser la richesse et l’influence des hautes fonctions ecclésiastiques pour promouvoir les intérêts dynastiques des Habsbourg en Europe. Cependant, son frère aîné, l’héritier présomptif, est mort en 1654 et Léopold, à l’âge de quatorze ans, a dû prendre la place de son frère et abandonner ses vœux cléricaux pour devenir le patriarche de la dynastie. L’éducation du jeune archiduc est supervisée par des tuteurs et des mentors aristocratiques qui le préparent à une carrière ecclésiastique. Léopold adopte très tôt la piété catholique intense que l’on attend de lui et les manières douces qui conviennent à un simple rôle de soutien. Il atteint l’âge adulte sans l’ambition militaire qui caractérise la plupart des autres monarques. Dès le début, son règne fut défensif et profondément conservateur.

Sa première crise concerna la succession dynastique des Habsbourg dans le futur, car en sept ans, la mort avait réduit les Habsbourg mâles vivants à seulement deux : Léopold et son cousin Charles II d’Espagne, malade. En 1666, Léopold épousa la fille cadette de Philippe IV d’Espagne, l’infante Margareta (1651-1673) ; de leurs quatre enfants, un seul, Maria Antonia (1669-1692), dépassa la première année. Un second mariage en 1673 avec Claudia Felicitas du Tyrol (1653-1676) a donné naissance à deux autres filles, toutes deux mortes dans leur première année. En 1676, son troisième mariage avec Eleanora Magdalena de Neuburg (1655-1720) produisit enfin un héritier mâle en Joseph Ier (régné en 1705-1711), puis un autre fils, Charles VI (régné en 1711-1740).

Deux décennies de crise dynastique encouragèrent les voisins de Léopold à envisager les terres des Habsbourg si Léopold ne parvenait pas à fournir un héritier mâle. La France convoite les territoires espagnols le long de la frontière rhénane ; à l’est, les Turcs prennent le contrôle de la Transylvanie en 1663 et envahissent la Hongrie l’année suivante. Une coalition de forces impériales et hongroises vainquit les envahisseurs à Saint-Gothard en 1664. Léopold surprend alors ses généraux et les dégoûte en concluant un traité hâtif à Vasvár, acceptant l’occupation turque de la majeure partie de ce qu’ils détenaient et payant un important tribut à la Sublime Porte, le gouvernement ottoman en Turquie. Léopold défendit le traité en invoquant les menaces françaises contre les Pays-Bas. La conséquence immédiate, cependant, fut l’émergence d’une conspiration parmi les magnats hongrois qui accusèrent Léopold de gaspiller leur sang. Les chefs formèrent des bandes armées qui se déplacèrent en Hongrie en attaquant les unités impériales et turques, ce qui provoqua de nouvelles incursions turques. Lorsque le complot se transforma en un plan d’assassinat de Léopold, la cour riposta, rassembla tous les chefs et les exécuta. De manière caractéristique, Léopold lui-même était favorable à la clémence pour les comploteurs, dont plusieurs avaient été des amis d’enfance, mais des voix plus sévères prévalaient dans ses conseils.

La cour impériale de Vienne était une assemblée multilingue de quelque deux mille personnes, dont seulement une centaine participait à la prise de décision par le biais des conseils judiciaires, financiers et militaires. Autour d’eux, de petits essaims de secrétaires, de copistes, d’enquêteurs, de gardes du corps, d’avocats et d’autres personnes s’unissaient progressivement pour former une bureaucratie primitive. Au-delà d’eux, il y avait un plus grand nombre d’ouvriers, de concierges, de cuisiniers, de palefreniers, de palefreniers d’écurie, de blanchisseuses et de fournisseurs de la cour. Tous ces gens jouissaient du privilège d’être soumis à un système judiciaire spécial sous la direction du maréchal de la cour.

L’élite aristocratique qui dominait les conseils de gouvernement se divisait généralement en deux factions distinctes : « les occidentaux », qui suivaient la préférence de Léopold lui-même pour l’apaisement des Turcs afin de se concentrer sur la menace française, et de l’autre côté les « orientaux », qui insistaient sur le fait que les Turcs étaient la plus grande menace. Ce groupe comprenait la plupart des chefs militaires, des courtisans possédant de grandes propriétés en Hongrie ou en Croatie, et surtout la hiérarchie ecclésiastique, qui suivait l’exemple de la papauté dans la croisade contre l’islam militant.

Il était clair que les territoires de Léopold ne pouvaient pas fournir les ressources nécessaires pour permettre de grandes campagnes militaires à la fois en Hongrie et dans les Pays-Bas. Les troubles à l’est et les invasions françaises aux Pays-Bas obligent Léopold à conclure une alliance avec la République néerlandaise calviniste. Cette décision troubla sa conscience pendant des années, mais la richesse commerciale des puissances maritimes protestantes, combinée aux ressources humaines et matérielles de l’Europe centrale, constitua la base sur laquelle les Habsbourg suivants bâtirent leur empire danubien. La guerre avec la France, commencée en 1673, dura au-delà de la fin de son règne, avec seulement deux brèves périodes de paix armée.

Pour faire face aux problèmes orientaux, on conseilla à Léopold de recourir à une politique de répression, en révoquant les privilèges et les libertés garantis par la constitution hongroise et en occupant le pays avec des troupes allemandes, qui seraient payées par les comtés locaux et les magnats. Des soulèvements spontanés débouchent sur une révolte générale. Vienne répond par un programme de répression violente, mettant en place des tribunaux spéciaux qui poursuivent les prédicateurs protestants, provoquant la colère de l’opinion publique dans les États protestants. La répression dure jusqu’en 1676, lorsque Léopold doit retirer les garnisons impériales de Hongrie pour lutter contre la France. La Hongrie sombre à nouveau dans la guerre civile entre les magnats catholiques fidèles à l’empereur et les nobles protestants qui défendent leur liberté de religion garantie par leur constitution. La restauration des libertés traditionnelles en 1681 ne fait qu’intensifier la rébellion.

Une peste mortelle se propageant en amont du Danube frappe les provinces autrichiennes en 1679, obligeant la cour à se déplacer à Prague. Vienne perdit environ un cinquième de sa population. Ce désastre ainsi que la diversion de la guerre avec la France conduisent le vizir turc Kara Mustafa à entreprendre une attaque massive contre l’Ouest. En 1683, se déplaçant avec une rapidité inattendue, une armée turque de près de cent mille hommes encercle Vienne le 16 juillet. Léopold s’enfuit avec ses conseils à Passau, où le gouvernement commença à organiser les secours de la ville. Une force de secours rassemblée au-dessus de Vienne attaqua les forces assiégeantes le 12 septembre. Avec l’aide du roi Jean Sobieski III de Pologne, la longue bataille se termine avec les Turcs en pleine retraite sur le Danube.

Le triomphe de 1683 tourne l’attention de Léopold vers l’est. Le changement de pouvoir en Hongrie se fait lentement. Les forces rebelles restantes acceptent progressivement l’amnistie offerte par Léopold. En 1686, Buda tombe, l’année suivante, les forces impériales occupent la Transylvanie et en 1688, la grande forteresse de Belgrade tombe. Vienne venait à peine de commencer les célébrations que la France envahissait le Palatinat. Cela obligea une fois de plus Léopold à choisir entre laisser la France ravager l’empire et se concentrer sur l’est, ou prendre le grand risque de mener une guerre sur deux fronts. Léopold accepte une plus grande guerre, connue sous le nom de guerre de la Ligue d’Augsbourg. Pendant près d’une décennie, aucun des deux fronts ne donne de résultats clairs. En 1691, les Turcs reprennent Belgrade. En 1697, sous le commandement du prince Eugène de Savoie, les forces impériales défont la principale armée turque à Zenta. Deux ans plus tard, le traité de Karlowitz fixe la frontière orientale de l’empire des Habsbourg, où elle restera largement inchangée jusqu’au vingtième siècle.

Le traité de Ryswick interrompt temporairement les hostilités avec la France, mais à la mort de Charles II en 1700, la guerre éclate à nouveau pour la succession espagnole. Léopold envoie ses forces dans le nord de l’Italie pour y occuper ce qu’elles peuvent des possessions espagnoles. La guerre devient rapidement mondiale, impliquant des luttes en Allemagne, dans les Flandres, en Italie, en Espagne, au Canada, en Nouvelle-Angleterre et dans les Indes occidentales et orientales. Léopold meurt en 1705 au plus fort de son intensité. Il laisse une monarchie renforcée par ses succès militaires, mais qui a grand besoin de réformes institutionnelles. Léopold n’était pas une personnalité énergique. Il croyait sincèrement que sa piété consciencieuse serait soutenue par la providence divine, qui produirait les miracles nécessaires à sa survie. Il était passé maître dans l’art de représenter sa souveraineté sur une scène baroque élaborée, de mettre en scène des productions allégoriques complexes, de s’y produire et de composer des oratorios et des musiques de scène pour celles-ci. Le rôle primordial de Vienne dans le développement de la musique occidentale doit beaucoup à cet empereur modeste qui a cultivé la seule forme d’art capable de jeter un pont entre les nombreuses langues parlées par ses sujets.

Voir aussi Dynastie des Habsbourg ; Saint Empire romain germanique ; Hongrie ; Ligue d’Augsbourg, guerre des (1688-1697) ; Succession d’Espagne, guerre des (1701-1714) ; Vienne ; Vienne, sièges de .

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