Volcanisme induit par un impact ?
Les basaltes d’inondation continentaux avec des volumes de ≥106 km3 sont les plus grands épanchements connus de magma basaltique et des études récentes suggèrent que les éruptions sont des événements soudains et de courte durée, où le volume entier de la lave est éjecté dans une série d’énormes flux sur une période de quelques centaines de milliers à peut-être un couple de millions d’années. Bien que la convergence des preuves suggère que certains (et peut-être tous) les événements d’extinction importants sont corrélés avec des impacts extraterrestres, les données K-Ar et d’autres données d’âge compilées par Rampino et Stothers (1988) ont montré une corrélation entre les extinctions de masse et les périodes d’éruptions de basalte d’inondation continentale au cours des 250 Ma passés.
Les déterminations d’âge 40Ar/39Ar et U-Pb plus fiables qui sont maintenant disponibles pour les épisodes de basalte d’inondation soutiennent la datation initiale et améliorent la corrélation (Courtillot et al, 1986 ; Baksi, 1988 ; Baksi et Farrar, 1990 ; Dunning et Hodych, 1990 ; Renne et Basu, 1991 ; Sebai et al., 1991 ; Campbell et al., 1992 ; Heiman et al., 1992 ; Renne et al., 1992 ; Ebinger et al., 1993 ; Storevedt et al., 1992), comme le montre le tableau II. Par exemple, les basaltes d’inondation du Deccan en Inde (65,5 ± 2,5 Ma) (Vandamme et al, 1991) ont été éjectés très près de l’époque de l’extinction de masse et de l’impact de gros corps de la fin du Crétacé (64,5 ±0,1 Ma) et les basaltes d’inondation de la Sibérie (248 ± 2,3 Ma) sont corrélés avec les argiles de la limite de la fin du Permien (251 ± 3 Ma) (Campbell et al, 1992).
TABLE II. BASALTS DE L’INONDATION CONTINENTALE ET TEMPS DES EXTINCTIONS DE MASSE
Inondation continentale | Basaltes. (Ma) | Limites d’extinction | (Ma) |
---|---|---|---|
Fleuve Columbia | 16.2 ± 1* | Miocène inférieur/moyen | 14 ± 3 |
Éthiopien | 36.9 ± 0,9* | Éocène/OligocèneIr, mt/t,q | 36 ± 1 |
Atlantique Nord | 60,5* | limite du stade fin-DanienIr, mt | 60.5 |
Décan | 65,5 ± 2,5* | Crétacé/TertiaireIr, mt/t,q | 65 + 1 |
Madagascar | 94.5 ± 1.2 | Cénomanien/TuronienIr | 92 ± 1 |
Rajmahal | 117 ± 1* | Aptien/Albien | 110 ± 3 |
Serra Geral | 133 + 1* | Jurassique/Crétacé | 137 ± 7 |
Antarctique | 176 ± 1* | Bajocien/Bathonien | 173 ± 3 |
Karoo | 190 ± 5 | Pliensbachien | 193 ± 3 |
Newark | 201 ± 1* | end-Triasq,Ir | 211 ± 8 |
Sibérien | 248 ± 4* | Permien/TriasiqueIr, q ? | 251 ± 4 |
Les astérisques indiquent des dates 40Ar/39Ar récentes. Plusieurs limites présentent des preuves stratigraphiques de l’impact de grands corps : quartz choqué (q), microtektites/tektites (mt/t) et/ou iridium (Ir) (voir texte).
Des études stratigraphiques en Inde placent maintenant les éruptions du Deccan près de la limite K/T définie par la paléontologie et les éruptions pourraient n’avoir duré que ∼250 000 ans (Courtillot et al., 1986). L’étude directe la plus récente des laves du Deccan en relation avec les changements foraminifères à la limite K/T en Inde (Jaiprakash et al., 1993) suggère que les premières coulées ont été éruptives au début des changements faunistiques à la limite ; les premiers intertrappeans contiennent des zones foraminifères qui commencent jusqu’à ∼350 000 ans au-dessus de la limite canonique K/T, alors que la zone tertiaire la plus ancienne semble manquer ; et les dernières coulées semblent avoir eu lieu environ 500 000 ans après la limite. Jaiprakash et al. (1993) enregistrent que, dans la résolution stratigraphique de l’étude, tous les foraminifères planctoniques du Crétacé se sont éteints avant ou dans l’intervalle de transition K/T marqué par les premières coulées.
Les impacts suffisamment grands pour former des cratères ≥100 km de diamètre, les éruptions de basalte de crue et les extinctions, sont des événements géologiques de premier ordre qui se produisent apparemment une fois toutes les quelques dizaines de millions d’années. L’association étroite récurrente dans le temps de ces événements majeurs au cours des 250 derniers Ma au moins suggère qu’ils sont liés (Rampino et Stothers, 1988) et des tests statistiques récents de la corrélation présentent une signification statistique de > 98% (Stothers, 1993).
On estime que les impacts d’astéroïdes ou de comètes de 10 km de diamètre produisent des séismes d’une magnitude de Richter de ∼12, avec des ondes de sol de grande amplitude à des milliers de kilomètres du site d’impact qui pourraient fracturer et perturber profondément la lithosphère et le manteau supérieur. Rampino (1987) a mis en évidence un mécanisme possible d’induction d’éruptions de basalte d’inondation sur ou à proximité des sites de grands impacts par la fracturation lithosphérique et la fusion par libération de pression dans le manteau supérieur. Les calculs suggèrent que les grands impacts (impacteurs de ≥10 km de diamètre) pourraient creuser des cavités transitoires initiales suffisamment profondes pour entraîner une fusion par décompression dans le manteau supérieur, avec un volcanisme de basalte inondé consécutif le long des fractures profondes induites par l’impact qui ont pénétré la lithosphère.
White et McKenzie (1988) ont soulevé des objections au modèle de volcanisme d’impact, en soulignant les études théoriques qui suggéraient que de grands volumes de fonte basaltique ne pouvaient être produits que par la fusion par décompression d’un manteau anormalement chaud (McKenzie et Bickle, 1988), tel qu’on en a déduit qu’il existait principalement dans les régions de 2 000 km de diamètre des hotspots déduits au-dessus des têtes de panaches mantelliques proposées. Par conséquent, ils ont déduit que les impacts devraient frapper préférentiellement ces régions pour déclencher un volcanisme de basalte d’inondation, ce qu’ils ont considéré comme très improbable. Cependant, les calculs ont montré que les houles de points chauds de 2 000 km de diamètre liées aux 40 à ∼100 points chauds actuels estimés couvriraient une partie importante de la Terre (50 ± 25 %), rendant l’impact dans un manteau anormalement chaud étonnamment probable et il a donc été conclu que les impacts de grands astéroïdes ou de comètes pourraient bien être responsables de l’initiation ou du déclenchement du volcanisme de basalte inondé et peut-être des éclosions de points chauds, bien que cela doive être considéré comme assez spéculatif pour le moment (Rampino et Stothers, 1988). De plus, le volcanisme pourrait être induit par la fracturation lithosphérique aux antipodes des grands sites d’impact et les éruptions du Deccan et de la Sibérie pourraient avoir été proches des antipodes reconstitués des sites d’impact de Chicxulub et des Malouines proposées, respectivement (Rampino et Caldeira, 1992).
Les données de la tomographie sismique suggèrent maintenant que ∼50 % du manteau supérieur mondial est chaud (peut-être à cause de larges remontées de manteau, d’un réchauffement à l’intérieur du manteau, ou par l’isolation du manteau supérieur par l’ancienne lithosphère continentale) (Anderson et al, 1992), fournissant des conditions de température dans lesquelles de grands impacts pourraient conduire à une fusion par décompression significative. Dans un modèle de point chaud induit par un impact, une activité continue pourrait être le résultat d’une combinaison de chauffage par impact et de perturbation durable des géothermes du manteau.
On peut trouver des exemples de volcanisme possiblement lié à un impact dans l’histoire antérieure de la Terre, par exemple dans le dôme de Vredefort et le complexe de Bushveld en Afrique du Sud, qui ont été interprétés comme de grands bassins d’impact (∼400 km de diamètre) créés il y a environ 2 milliards d’années (Elston et Twist, 1990). Dans le Bushveld, les roches mafiques sont présentes dans des complexes annulaires superposés autour du soulèvement central du bassin (les roches mafiques stratifiées sont apparemment absentes de la partie centrale du complexe). Elston et Twist (1990) les interprètent comme des fontes mantéliques induites par une fracturation annulaire profonde liée à la structure d’impact.
Les événements ignés du Mackenzie au Canada représentent l’un des épisodes de magmatisme mafique les plus répandus sur les continents. Les roches mafiques sont constituées des basaltes de crue de Coppermine River et d’Ekalulia (>140 000 km3), de l’intrusion stratifiée de Muskox et du spectaculaire essaim de dykes du Mackenzie qui rayonne depuis le golfe du Couronnement à travers le nord-ouest du Canada sur une distance de plus de 2 400 km. L’intrusion de Muskox et les dykes du Mackenzie ont été datés par la méthode U-Pb à l’aide de traces de zircon ou de baddeleyite (ZrO2), avec des âges de 1270 ± 4 et 1267 ± 2 Ma BP, respectivement (LeCheminant et Heaman, 1989). Les basaltes d’inondation contemporains se trouvent dans la partie sud d’une grande entité circulaire de plus de 500 km de diamètre, dont une partie du périmètre délimite le golfe du Couronnement lui-même. Sears et Alt (1992) ont récemment proposé que ce magmatisme mafique protérozoïque et ces intrusions en couches indiquent un impact. L’association de basaltes d’inondation rapidement éruptifs, d’une intrusion stratifiée recouverte de granophyre (roches crustales fondues ?) et de dykes rayonnants, avec une grande structure circulaire soutient l’idée que le magmatisme a pu être généré par un grand impact au Protérozoïque moyen (D. Hyndman, communication personnelle). Cependant, malgré ces relations suggestives, le consensus géologique est mieux résumé par la déclaration récente de Melosh (1989) que, « jusqu’à présent, il n’y a aucune preuve ferme que les impacts peuvent induire le volcanisme. »
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